Réalité et univers virtuels : un futur terrain d'enquête ?

Auteure : Emeline Strentz
Grand angle - L'oeil du REP

Et si le prochain terrain d'enquête ne se trouvait plus dans le monde réel, mais dans des univers virtuels, où avatars et données se rencontrent pour former une nouvelle réalité?

Entre l'émergence rapide de l'intelligence artificielle (IA) pour développer des outils de réalité virtuelle ou augmentée (exemples: casques ou lunettes VR), cela facilite les fraudes et les escroqueries. Même sans parler d'A. L'univers «parallèle» existe depuis bien longtemps, avec les jeux vidéo en ligne, comme le MMORG (Massively Multiplayer Online Role-Playing) instaurant au fil des années une économie parallèle permettant le blanchiment d'argent.

La préoccupation de la réalité virtuelle et de ce qui s'y passe à l'intérieur, est bien présente sur la scène nationale et internationale comme le démontre l'actualité pour lutter contre le terrorisme. L'ancien ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau qui saisit la justice il y a quelques jours, contre un jeu vidéo pour apologie de terrorisme (une manière de recruter), n'est qu'un écho de l'anxiété démontrée en novembre 2023 au sein du Comité du Conseil de l'Europe de lutte contre le terrorisme, lors de la Conférence internationale sur le détournement des jeux vidéo et de la réalité virtuelle.

À notre échelle, dans le secteur d'activités d'enquêtes privées, nous pouvons d'ores et déjà penser que les fraudeurs et toutes personnes malveillantes vont développer de nouvelles techniques en détournant le but des outils de réalité virtuelle. Quels seront les nouveaux défis ?

 

État de l'art des univers virtuels

L'émergence des technologies immersives, comme les casques VR (Apple Vision Pro, Meta Quest, HTC Vive, etc.), a rendu les univers virtuels plus accessibles au grand public. Cependant, cette diversification de termes crée souvent une confusion autour des concepts de réalité virtuelle, réalité augmentée et métavers. Afin de clarifier ces notions, voici un aperçu synthétique des principaux champs d'application.

La réalité virtuelle

C'est une immersion totale (grâce à un casque généralement) dans des environnements virtuels en 3D souvent interactif. Vous êtes ainsi «déconnectés » de la réalité. C'est ainsi un outil utilisé pour ceux qui souhaitent se divertir avec des jeux vidéo sur console.

La réalité virtuelle est apparue dans les années 60, mais elle s'est démocratisée dès 2010 avec les casques de gaming. Aujourd'hui, elle est non seulement utilisée sur le plan personnel (jeux) mais également sur le plan professionnel (suivi de formation, modélisation dans des centres R&D). Si cela se démocratise au sein des entreprises, cela peut être une source d'inquiétude en termes de cybersécurité (point d'entrée pour les hackers).

La réalité augmentée ou réalité mixte

Contrairement à la réalité virtuelle, vous restez dans le monde réel. Le premier exemple qui peut vous venir en tête est le nouveau casque d'Apple. Travailler de manière unique tout en restant «connecté» avec votre environnement.

D'autres outils professionnels l'utilisent

notamment pour réaliser des conférences augmentées depuis le Covid-19. De manière plus divertissante, c'est le jeu Pokémon Go ou les filtres Snapchat qui ont popularisé ce concept.

Également, c'est outil est un point d'entrée pour réaliser des attaques cognitives et accéder à des informations confidentielles.

Le métavers

C'est un monde virtuel où vous n'êtes pas en immersion totale. Ainsi, ce sont principalement les jeux (simulation de vie comme les SIMS, MMORG comme World of Warcraft) qui sont

considéré comme le métavers. In fine cette notion n'est pas si toute récente! C'est pourquoi, une économie de marché parallèle a pu se développer grâce à certains jeux. Dans le monde professionnel, les entreprises ont déjà un pied dans cet univers virtuel. Néanmoins déplacer totalement l'environnement de travail dans un monde parallèle ne sera pas pour tout de suite (coûts, gestion des risques et habitudes).

Si l'on devait parler statistiques pour comparer les tendances et réaliser brièvement une étude prospective:

  • D'ici 2025, le marché mondial de la réalité augmentée/réalité mixte devrait atteindre les 149 milliards de dollars, contre 4,32 milliards en 2017. La demande sera toujours croissante, car elle regroupe déjà tous les leaders de marchés et les tendances correspondent aux habitudes actuelles des consommateurs (50% réalité-50% virtuel). Pour certaines sources qui intègrent également la réalité virtuelle, elles prévoient que le marché des technologies immersives va exploser, passant de 183,96 milliards USD en 2024 à 1 700 milliards USD d'ici
    2032
  • Concernant le métavers, en 2024, 600 millions d'utilisateurs uniques utilisent le métavers, y compris ceux de plateformes comme Roblox, Fortnite, Minecraft et d'autres applications de réalité immersive en phase de test alpha et bêta. La portée du métavers devrait atteindre 2,6 milliards de personnes d'ici 2030. Le marché mondial du métavers pèsera environ 936,6 milliards de dollars d'ici 2030. Les recherches suggèrent également que les entreprises qui se lancent dans le métavers ciblent principalement les grandes entreprises, les hommes et la génération Z.

En somme, ces marchés représentent l'avenir de nombreux secteurs d'activité, ce qui signifie de nombreuses possibilités pour différents métiers. Avec l'état actuel du marché des univers virtuels; un enquêteur privé peut-il y voir de nouvelles opportunités de business ?

Missions des détectives privés dans le monde virtuel

Au regard des lois et jurisprudences actuelles, encadrant l'usage réalisé dans ces mondes

virtuels, nous nous devons de développer une réflexion dans la pratique de la surveillance et de la collecte de preuves.

Avec l'émergence du métaverse et des mondes virtuels immersifs, les enquêtes des agents de recherches privées vont devoir s'adapter à plusieurs types de problématiques, tenant compte d'une adaptation des pratiques aux spécificités technologiques et juridiques.

Le déplacement et les interactions d'un agent de recherche privée dans les mondes virtuels, au moyen d'un casque de réalité virtuel, voire de l'usage de gants sensoriels en cours de perfectionnement, soulèvent plus de questions que de réponses.

Comment éviter les principes de déloyauté et disproportionnalité du recueil des preuves dans ces mondes virtuels ?

Surveillance et collecte de preuves virtuelles : une nouvelle frontière pour les enquêtes

Face à l'essor des mondes virtuels, les forces de l'ordre ont pris conscience de l'importance de leur présence dans ces environnements numériques. Pour relever ce défi, elles ont intensifié la formation de leurs personnels et renforcé les groupes spécialisés, combinant ainsi les compétences des enquêteurs sur le terrain et celles des experts en cyber enquête.

Au Royaume-Uni, la police britannique a mené une enquête sur un cas de "viol virtuel" impliquant l'avatar d'une adolescente de 16 ans, agressée par un groupe d'hommes adultes dans le jeu immersif Horizon Worlds. Cette affaire soulève des questions cruciales sur les limites des cadres législatifs actuels face aux réalités des mondes virtuels.

En vertu de la loi anglaise, le viol est défini comme un acte de pénétration non consentie (anale, vaginale ou orale). Cependant, dans les environnements virtuels, où aucun acte physique tangible ne se produit, ces critères ne peuvent être appliqués, bien que l'impact psychologique sur la victime puisse être tout aussi dévastateur.

Cette affaire illustre l'urgence d'adapter les lois pour offrir une protection adéquate aux utilisateurs des mondes virtuels et prendre en compte les conséquences émotionnelles et psychologiques des agressions numériques.

 

La dimension internationale des mondes virtuels, portée par la diversité des profils d'utilisateurs, a incité INTERPOL à créer un métavers dédié aux polices du monde. Cette plateforme immersive offre un espace sécurisé pour former les forces de l'ordre et faciliter la collaboration entre différentes juridictions à l'échelle mondiale.

Parmi les principaux défis auxquels les forces de l'ordre doivent faire face dans ces environnements figurent la fraude par ingénierie sociale, l'extrémisme violent et la diffusion de mésinformations.

Ces problématiques, au cœur des préoccupations des représentants regroupés sous l'égide d'INTERPOL, témoignent de la nécessité d'une coopération accrue pour préserver la sécurité et l'intégrité des utilisateurs dans les mondes virtuels.

Pour un détective privé habitué à exploiter les sources d'informations publiques via des recherches sur les moteurs en ligne, travailler dans les mondes virtuels exige une adaptation des méthodes de collecte d'informations sur les individus recherchés. Cependant, une question cruciale se pose : comment confirmer l'identité réelle d'une personne dissimulée derrière un avatar et un pseudonyme ? Sans requête officielle émise par les autorités publiques auprès de l'éditeur de la plateforme pour lever l'anonymat et localiser l'individu, cette identification peut devenir un véritable défi.

 

Dans les environnements virtuels, mener des actions de surveillance ou de filature à travers un avatar soulève des problématiques spécifiques en matière de positionnement et de discrétion pour un agent de recherches privées. Ces interventions comportent le risque d'interagir,

volontairement ou non, avec l'avatar de la personne faisant l'objet de la mission, ce qui pourrait compromettre l'enquête.

Un autre défi majeur réside dans l'usage de stratagèmes ou d'incitations pour obtenir des éléments de preuve dans ces espaces numériques. Ces pratiques posent la question des limites de la loyauté de la preuve dans un cadre où l'ensemble des interactions se déroule dans un univers ouvert, mais régi par des règles propres à l'éditeur du monde virtuel. Comment, dès lors, s'assurer que les méthodes utilisées respectent les principes éthiques et juridiques de la profession tout en s'adaptant aux spécificités de ces mondes.

Interactions avec d'autres acteurs

À ce jour, il convient de citer les actions menées par des enquêteurs bénévoles au sein de l'association Les Enfants d'Argus, qui travaillent à la recherche de présumés pédocriminels à travers divers supports numériques. Leur objectif est de collecter des preuves et de les

transmettre aux forces de l'ordre afin de lutter contre ce type de crime.

Mais en dehors du cas de cette association citée et face aux interrogations soulevées, il devient nécessaire d'élargir les méthodes de constatation des preuves dans les mondes virtuels, où les actions sont dynamiques, mais l'observation reste statique. Une simple capture d'écran suffira-t-elle à établir la véracité des faits, ou devrait-on plutôt faire appel aux services des commissaires de justice pour valider les éléments constatés ? Cela implique également de prendre en compte l'inventaire des outils et logiciels spécialisés dans la collecte des informations issues de ces actions dans les mondes virtuels.

Les types d'enquêtes à venir dans les mondes virtuels

Dans cet article, nous n'avons pas l'ambition de prétendre maîtriser l'ensemble des méthodes d'enquête applicables aux mondes virtuels. Cependant, nous vous présentons, sous forme de tableau, un projet des évolutions des futurs enquêtes devant les nouvelles pratiques des criminels.

 

Le tableau pourrait être beaucoup plus complet en tenant compte de l'ingéniosité des criminels face aux évolutions des pratiques sociétales et entrepreneuriales à venir, mais nous manquons encore de recul. Nous avons tout intérêt à nous inspirer des auteurs de science-fiction, qui ont su anticiper non seulement les technologies que nous appliquons aujourd'hui, mais aussi leurs dérives dans des mondes régulés, où les auteurs font état de la crainte omniprésente d'une perte totale du libre arbitre des citoyens et par conséquent, de l'individu. Un pont avec un sujet que nous aborderons prochainement dans un article pour traiter des biais cognitifs dans l'enquête des agents de recherches privées.

Défis et perspectives d'avenir

L'usage des mondes virtuels est synonyme d'enjeux juridiques. Il existe un rapport officiel datant de 2020 du ministère de la culture. À ce jour, il n'existe pas de réglementation spécifique ni de consensus européen pour encadrer les nouveaux usages. C'est aux entreprises de faire attention à la conformité de leurs produits et services.

Toutefois, ce qui revient le plus souvent chez les avocats spécialisés, c'est:

  • Le respect au RGPD de 2018 pour les données personnelles des utilisateurs.
  • Le respect à la loi sur les services numériques-loi sur les marchés numériques (DSA-DMA)
    entrée en vigueur le 6 mars 2024
  • L'application du droit d'auteur, droit à l'image et propriété intellectuelle doit être analysée en fonction de l'outil
  • L'application du droit des contrats doit être également analysée en fonction de l'outil
  • In fine, c'est la jurisprudence qui va encadrer les mondes virtuels pour l'instant.

Par ailleurs, sur le volet pénal la loi ne dit rien, lorsqu'un «avatar » insulte, harcèle ou commet des attouchements sur un autre avatar ? À ce stade, l'avatar ne possède pas de statut juridique.

Les lois devront évoluer pour renforcer la lutte contre certains actes délictuels, ou faire l'objet de nouveaux amendements pour tenir compte des lois actuels.

A ce jour, le Code pénal prévoit, dans les articles 222-32 et 222-33, les peines applicables en cas de harcèlement sexuel en ligne. Par ailleurs, un renforcement des sanctions pour les atteintes envers les mineurs est stipulé dans les articles 222-33-2 à 222-33-2-3, concernant le harcèlement moral et scolaire sur internet.

Depuis 2004, les hébergeurs de contenu en ligne sont responsables des éléments présents sur leurs serveurs, conformément à l'application de la Lei nº2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, notamment l'article 6. Les hébergeurs doivent contrôler la diffusion de contenus illicites, sous peine de complicité s'ils ne manifestent pas des actions pour cesser les agissements après les signalements ou les sollicitations des pouvoirs publics.

Un exemple de ce qui s'est produit à l'international (Pays-Bas) en 2007 pourrait donner une indication vers quoi pourrait tendre la législation en matière de preuve (avatar témoin d'un événement). Il est expliqué que deux adolescents ont été condamnés pour vol après avoir contraint un jeune garçon à transférer un objet sur leurs comptes d'un jeu vidéo en ligne. Cet objet a été considéré comme bien réel.

En ce qui concerne le matériel disponible pour une future intervention dans le métaverse, les coûts d'investissement pour un casque de réalité virtuelle (VR) varient considérablement, allant de 330 euros pour le Meta Quest 35 à 14 300 euros pour l'Oculus Quest 2. A cela, il faut également tenir compte des coûts d'abonnement d'accès aux plateformes. Avant d'engager des dépenses dans ce type d'équipements électroniques, il est essentiel de prendre du recul et de considérer l'expansion croissante du public attiré par les loisirs proposés dans les mondes virtuels.

Dans le parcours d'un jeune enquêteur privé, ces investissements peuvent restreindre sa capacité à intervenir dans certaines enquêtes futures, tout en risquant de creuser un fossé entre professionnels de l'enquête.

Finalement, à ce jour, il est intéressant voire recommandé pour celles et ceux qui souhaitent se spécialiser dans cette branche, de mettre dès maintenant en place une veille technologique et juridique pour analyser les signaux faibles.

 

Conclusion - L'agent de recherches privées face à l'ère des mondes virtuels

Les mondes virtuels offrent un terrain d'enquête en pleine mutation, où se mêlent opportunités et défis sans précédent pour les enquêteurs privés. Cependant, malgré les progrès fulgurants des technologies immersives et de l'intelligence artificielle, un agent de recherches privées ne peut pas être remplacé par une lA et encore moins par des machines.

En effet, aucune machine, aussi performante soit-elle, ne peut égaler l'intuition humaine, la capacité d'analyse contextuelle ou encore l'empathie nécessaire pour démêler des affaires complexes. La collection de preuves numériques dans un univers exige une compréhension approfondie des nuances juridiques et psychologiques, ainsi qu'une adaptabilité que seule une intelligence humaine peut fournir.

Alors que les criminels innovent sans cesse, l'enquêteur devra s'armer non seulement de connaissances techniques, mais aussi d'une éthique rigoureuse et d'une capacité à s'adapter aux nouveaux usages. Ces compétences, associées à l'évolution inévitable des cadres législatifs, assureront que l'agent de recherches privées reste une figure centrale et irremplaçable dans la quête de vérité, même au cœur des réalités virtuelles.

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